mercredi 20 juin 2012

Une renaissance

Il y a déjà deux ans, un samedi matin autour de la basilique de St Sernin,  j'étais tombée sur ce buste de mannequin des années 30 avec yeux en sulfure. La pauvre était bien amochée. Les réparations du dos, de l'épaule et de l'arrière de la tête, faites à la va-vite, étaient camouflées grossièrement par une peinture glycéro rose pâle, qui gâtait encore plus la beauté intemporelle de ces traits.
De retour du marché, j'avais alors de beaux projets pour celle que dès lors j'appelais Eugénie (oui j'aime donner un prénom à mes mannequins - il y a aussi Monique, Henriette, Marcel, etc) : ponçage dans les règles de l'art, puis restauration complète pour lui rendre sa vraie beauté. Las ! Çà m'a pris plus de deux ans, mais j'ai fini par le faire !



La belle Eugénie, quand elle est arrivée chez moi, faisait bien pâle figure... Dos et arrière du crâne défoncé, craquelures et fissures multiples, surtout à la base du cou, et une immonde glycéro rose pâle badigeonnée partout pour couvrir les dégâts.



Une fois poncée méthodiquement au grain d'abord gros puis très fin, ses vraies couleurs apparaissent enfin : une peau légèrement hâlée, des traits fins, des joues rosées, et des cheveux parsemés de touches d'un bronze brillant, comme ça se faisait beaucoup sur les mannequins de cette époque.



Ma mission première a alors été de consolider les fissures du cou, et rétablir un semblant de bombé sur le dos et l'arrière de la tête. Une mission fort mal aisée s'il en est, et parsemée d'embûches et de déconvenues.

J'ai utilisé des bandes de plâtre, qu'on trouve dans tout bon magasin de fournitures de beaux arts, comme chez Graphigro par exemple. Trempées dans un peu d'eau, je les ai appliquées peu à peu sur les endroits fragilisés, et lissées au maximum. La difficulté résidant dans un bon lissage des extrémités, pour qu'une fois repeinte la peau ne montre qu'un minimum de retouches. Eh ben c'est pas facile.
Après, c'est un nouveau petit ponçage, en douceur, puis j'ai testé avec un enduit à la colle de peau (ou du gesso, ou tout enduit transparent de préparation pour toiles) pour fixer le plâtre. Et j'en suis moyennement convaincue, car la chaleur de la colle à l'application a un peu tout fait travailler. Pas de dégâts heureusement, mais je ne conseillerais pas cette astuce.
Donc après la colle de peau, encore un ponçage au grain très fin spécial finitions... Et on passe à la peinture. A la bombe, évidement, pour éviter les traces du passage d'un pinceau. Pour trouver la bonne nuance, je vous conseille les magasins de bombes pour graffeurs : beaucoup de choix, un bon conseil, et des prix très abordables.
Bien sûr il faut prendre soin de calfeutrer les zones à ne pas bomber (avec du scotch spécial peinture), en l'occurrence les yeux en sulfure, et les cheveux que je voulais faire au pinceau pour un rendu plus naturel. Deux couches de peinture, bombée le plus uniformément possible, à l'extérieur if you please si vous ne voulez pas tourner de l'oeil.
Une fois la peau bien sèche, j'ai choisi mon mélange d'acryliques pour les cheveux et les sourcils : un mélange à base de nuances cuivre + doré + noir (pas moyen de trouver une teinte "bronze" toute faite). J'ai fait le choix de peindre les cheveux au large pinceau à murs, pour que les petites stries qu'il laisse dans la matière rappellent les fibres capillaires. J'ai aussi choisi de ne pas jouer avec différentes nuances en méchages dans la masse car je voulais rester dans la simplicité du style de l'époque, et je trouve que les détails sculptés se suffisent à eux-même.
Ensuite vint le moment des sourcils, O délicat problème : surtout ne pas trembler, surtout ne pas déraper ! Heureusement les retouches avec la peinture couleur peau (extraite de la bombe et prise avec un pinceau fin) sont quasi invisibles...
Enfin, la bouche, colorée ici avec un mélange de rouge vif et de cuivré, pour une teinte pas trop criarde et en raccord avec le reste du visage, doux et bienveillant. Une petite touche du même rouge au coin de l'oeil, comme c'était beaucoup le cas sur les mannequins anciens (et son cas avant la repeinte), et la touche finale : le trait d'eye-liner. Là non plus faut pas trembler, et vaut même mieux arrêter de respirer.

Et la voilà...







La voilà réparée, restaurée au mieux, et les séquelles des mauvais traitements subis ne sont plus qu'un lointain souvenir. Je ne dis pas que cette rénovation est parfaite, non, car il y a eu des erreurs et je ne ferai peut-être pas tout de la même façon à l'avenir. Mais pour une première fois, je suis assez contente du résultat, et un peu fière aussi ;-)
 Si vous avez chez vous un mannequin sans âge qui a besoin d'un petit ravalement, j'espère que ce "tutoriel" saura vous guider et vous aider à vous lancer. Dieu sait s'il m'en a fallu du courage, pour m'y mettre !



Eugénie a retrouvé sa beauté, reste à la vêtir d'un beau chemisier, et la présenter dans ma future boutique... En somme, une renaissance pour ce bout de plâtre, de fer et de verre, dont la beauté longtemps en sommeil ne s'était pas totalement éteinte...



3 commentaires:

  1. magnifique ! très bon et beau boulot!

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  2. Mais tu es épatante!!! sous tes doigts de petite fée! voila Eugénie encore avec nous pour un bon moment! c'est émouvant je trouve!
    bravo pour ton talent et la manière dont tu "traites" ces si belles traces du passé!

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  3. Bravo Solen ! j'aime cette restauration réussi !

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